Libre dans une secte ?
Dans le ML 1190 du 27/1/2000, l'article sur le Chili cite deux organisations qui ont y un rôle politique. Elle sont opposées idéologiquement si on ne se fie qu'à leurs discours officiels. L'une se dit de gauche non marxiste, pacifiste, internationaliste, dans le droit fil de la nouvelle gauche : le
Mouvement Humaniste dont le
Parti Humaniste est une émanation. L'autre est catholique, conservatrice, attachée aux valeurs familiales, dans le droit fil des intégristes : l'
Opus Dei. Tout semble les opposer mais elles sont toutes deux des sectes.
Qu'est ce qu'une secte ? Selon J.M. Abgrall dans "La mécanique des sectes" paru chez Payot et sorti récemment en poche chez Presse Pocket :
"
Une secte coercitive est une structure de groupe fermée, fondée sur la manipulation mentale, organisée autour d'un maître (gourou) et d'une idéologie.
Elle vise à établir une différence qualitative entre les adhérents de la structure et les non-adhérents, et son but caché ou avoué est l'enrichissement du groupe ou d'une partie de celui-ci. Elle s'établit et se développe grâce à l'exploitation des manipulés par les manipulateurs. Son action sur l'individu est susceptible d'entaîner des désordres physiques ou psychiques, réversibles ou non."
Une telle définition s'appuie sur les témoignages d'ex-adeptes et sur les informations recueillies sur le terrain. Nous remarquons qu'elle n'impose pas à une secte d'être une religion même si elles s'en réclament souvent : les religions sont relativement bien acceptées aujourd'hui. Malheureusement. Une secte peut être une organisation politique, religieuse, associative, sportive, en apparence. En fait, dans la majorité des cas, elles sont en interne religieuses : présence de rituels, d'une mythologie adulant le gourou surhomme...
Ainsi, le
Mouvement Humaniste propose dès le début une psychothérapie sans en annoncer la couleur. L'adepte doit apprendre un tas de techniques pour se transformer en un bon mouton humaniste, sous prétexte d'éradiquer la violence en soi, pour mieux éradiquer celle du monde plus tard. Il apprend ensuite la novlangue humaniste et tous les rituels de la secte : mariage, naissance, mort, promotion... Il ne peut progresser dans la hiérarchie que s'il plaît à son supérieur et s'il amène un certain nombre d'adeptes au même niveau hiérarchique que lui. Il apprend aussi le respect du Maître : Mario Rodriguez Cobos alias Silo. Entre temps, il a perdu tout esprit critique sur le
Mouvement Humaniste.
De même, un adolescent entrant à l'
Opus Dei va apprendre la soumission totale, la destruction de sa vie privée par des confessions quotidiennes, par le contrôle strict de son courrier et de ses lectures ne devant pas être à l'index (dont la liste s'allonge), la culpabilisation, les mortifications (cilice, fouet). Il n'a le droit que d'obéir. Il devient un petit soldat aux ordes du pape qui en est d'ailleurs membre. Il apprend le vocabulaire opusien sans oublier l'adoration du fondateur Balaguer ni l'idéologie intégriste, réactionnaire et soutenant les dictateurs sud-américains (Pinochet par exemple).
On retrouve dans ces deux exemples les manipulations mentales bien illustrées par les chercheurs en psychologie appliquée R.V. Joule et J.L. Beauvois dans leurs deux livres parus aus PUG et aux PUF respectivement : Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens et La soumission librement consentie. Que sont-elles ? Des techniques de persuasion des individus faisant appel à l'affectif, aux faiblesses et aux ressorts de la psychologie de l'individu. Le patient ne sait bien sûr pas ce qu'on attend de lui en fin de compte.
Par exemple : avoir des exigences progressives et les cacher, forcer la sympathie, cacher les véritables intentions de la secte, perturber le sommeil, carencer le régime alimentaire, être un perpétuel impur et apprenant, faire croire que l'adepte est malade et que seule la secte le guérira...
L'adepte ne peut plus penser correctement et devient plus réceptif aux affirmations de la secte. Le but est de le faire croire immédiatement plutôt que de faire savoir et réfléchir. Il n'a plus de repère de pensée en dehors de ceux de la secte et sa prison est mentale.
Pour terminer, il est important de rappeler que les manipulations mentales se retrouvent partout (publicité, politique, religion, entreprise, armée) et qu'elles sont utilisées de manière systématique par les sectes. Il est évident que leur utilisation est contraire à la morale libertaire, nous devons donc combattre sans relâche tous les gens qui veulent nous imposer leur conception du bonheur, en particulier quand ils nous manipulent pour la faire passer.
Le combat contre les sectes est un cas particulier de la lutte pour la liberté mais ses observations sur l'absence totale de liberté dans une secte et ses implications sur la fausse liberté et la manipulation mentale doivent faire réfléchir sur cette notion. Est-on libre d'entrer dans une secte ? La réponse est non et cet article en apporte un début de justification. Pour aller plus loin, référez-vous aux livres publiés sur le sujet, en prenant soin de reconnaître les livres objectifs de ceux qui défendent les sectes.
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